Le 11 mai 2021, s’est tenu sis à la salle des actes de la Mairie de Yaoundé II, un atelier de renforcement des capacités des femmes des médias privés "Plumes d’Or" sur le thème : «HERITAGE FONCIER ET SUCCESSION : LE DROIT D’ACCÈS DES FEMMES A LA TERRE, COMMENT TRAITER DES SUJETS DE REPORTAGE LIES AUX CONFLITS FONCIERS ET SUCCESSORAUX». Cet atelier a été modéré par M. André Christian EBONG ATANGANA chargé de la Planification, Suivi-Évaluation à la Commission Diocésaine Justice et Paix (CDJP) de Yaoundé. Il a connu la participation de 16 personnes. On note la présence de divers médias tels que le Messager, l’Œil du Sahel, Mutations, Nouvelle Expression, Magazine Mère et Enfants, DBS entre autres.
L’atelier avait pour objectif :
- Renforcer les capacités des femmes des médias privés en termes de droit d’accès des femmes à la terre ;
- Outiller les femmes des médias privés en matière de droit foncier et successoral ;
- Amener les femmes des médias privés à s’engager à la prévention des fonciers et successoraux au Cameroun.
L’atelier a débuté par une prière dite par Mme Christelle BOWA, membre de l’association "Plumes d’Or".
La présidente de l’Association "Plumes d’Or" en la personne de Mme Édith Mireille MANINGOUE, a souhaité la bienvenue à tous. Elle a remercié le Maire, ses collaborateurs pour l’accueil chaleureux qu’ils leur ont réservé ainsi que la CDJP.
La question successorale et foncière a-t-elle rappelé est un sujet d’actualité. Il est donc de bon ton que les journalistes soient outillés en la matière de sorte que les missions qui sont les leurs soient optimisées au quotidien. Le renforcement des capacités des femmes journalistes est la raison de leur présence en ce jour. Le choix de la cible s’est fait suite aux questions d’injustice, problèmes de succession interpellent au premier plan les femmes qui sont très souvent lésées et qui ne savent pas comment aborder la question, où se plaindre, quels sont leurs droits et devoirs et comment ne pas aboutir au conflit
Elle a terminé en disant qu’il est de la lourde responsabilité des femmes journalistes à travers les divers supports de communication de retransmettre les notions qui seront intégrées, de sensibiliser les femmes sur leurs droits et la possibilité qu’elles-mêmes aient accès à la terre même en dehors des successions, de proposer des « papiers » qui apaisent.
Mme Solange BESSOM, Coordinatrice de la CDJP de Yaoundé a exprimé sa joie en souhaitant la bienvenue aux femmes des médias privés présentes. Elle a poursuivi son propos en présentant la Commission comme ce service de l’Église Catholique créé depuis le 12 janvier 1969 par Mgr Jean ZOA ayant pour mission pastorale de réfléchir sur la promotion humaine et mobiliser le peuple en créant des comités paroissiaux "Justice et Paix", pour apporter des solutions plus concrètes aux problèmes de Justice et de Paix qui touchent immédiatement les citoyens. Aussi a-t-elle énoncé ses divers champs d’intervention prioritaires que sont :
- Développement Institutionnel et Renforcement Organisationnel ,
- Droits et dignité de la personne humaine ;
- Protection des droits des enfants victimes d’abus sexuels, de violence et de maltraitance ;
- Protection des droits des femmes victimes d’abus, de violences et d’inégalités ;
- Éducation à la culture de la paix et de la non-violence ;
- Démocratie participative ;
- Protection et droit à un environnement sain.
Elle a poursuivi en revenant sur le contexte marqué par une recrudescence des conflits de divers ordres mais surtout fonciers et successoraux et de ce fait l’accès des femmes à la terre quel que soit leur statut. Ainsi, les femmes font face à de nombreuses difficultés et faiblesses dues essentiellement à l’ignorance ou faible appropriation de la législation foncière et domaniale ainsi que les lois régissant les successions et l’État Civil. D’où le besoin exprimé par l’Association "Plumes d’Or" de renforcer les capacités de ses membres dans le cadre de la prévention des conflits, notamment fonciers et successoraux.
De la tempête de cerveau sur la notion de conflit, voici ce que les participants ont fait savoir :
Conflit=guerre, bagarre, désaccord, tiraillement, incompréhension, influence, tension, intimidation, crise, oppression, opposition, division, mésentente, duel, malentendu, prise de bec, rivalité, affrontement, combat, défi, lutte.
Tous ces mots ont pour point commun l’absence de paix, la haine et pour point de départ les tensions, les malentendus.
Le conflit, on le vit tous les jours et le conflit peut être de divers ordres : psychologique, interpersonnel, intrapersonnel, intra groupes, inter groupes et internationaux. On ne peut pas parler de techniques de résolution des conflits sans parler de conflits.
Mme Viviane TOUKOMBO (juriste à la CDJP) tout en revenant sur les techniques classiques (négociation, conciliation, arbitrage et médiation) et modernes (communication) de gestion des conflits, a axé son intervention sur trois points :
Les étapes de gestion constructive des conflits
- Les prés supposés (respect mutuel des uns et des autres, disponibilité à l’écoute et à la compréhension, aptitude à se mettre au même diapason que les autres (empathie), esprit de coopération, esprit d’ouverture, esprit de créativité)
- L’analyse du conflit
- Connaître les positions des parties en conflit : pour y parvenir, il faut faire parler les uns et les autres pour voir leurs positions respectives vis à vis du conflit. «De quoi est-il question» ?
- Connaître les intérêts des parties : il faut utiliser la technique de questionnement afin de ressortir les intérêts en jeu.
- Identifier les besoins : une fois les intérêts descellés, il faut identifier les besoins qui sont à l’origine des intérêts (écoute active).
- Recueil des propositions de solutions
Les parties en conflit doivent être elles-mêmes en mesure de proposer des solutions. Cela doit se dérouler dans un respect mutuel de telle manière que, lorsque l’une des parties parle, l’autre écoute.
- Le consensus
C’est le rassemblement des hypothèses de solutions ou encore discussions sur les idées émises pour trouver et adopter une position commune. Dans ce cas, nous avons droit à la loi du Win-Win 50%.
Les étapes de la médiation
Il revient au médiateur de créer une bonne atmosphère et maintenir la bonne communication pendant toutes les phases de la médiation. Elles sont les suivantes :
- La phase préliminaire : elle consiste en une prise de contact, c’est-à-dire que le médiateur voit les motivations des parties en conflits et par la suite une planification du processus de médiation.
- La phase introductive : dans cette phase, le médiateur doit :
- Créer une bonne atmosphère et un espace convenable en fixant les bases de la médiation. Il doit être en outre méticuleux. Si les parties n’arrivent pas au même moment, il ne doit pas établir de contact avec la première à arriver de peur de frustrer l’autre
- Établir les règles fondamentales telles que l’écoute active, pas d’interruption, pas d’offenses.
- Demander aux parties si elles sont d’accord avec les règles mentionnées plus haut
- Définir son rôle et sa responsabilité : «je ne suis ni juge ni arbitre…»
- Faire aux parties un rapport de leurs conflits : «vous êtes venus parce qu’il y a tel problème»
- La phase de présentation du conflit
- Dans ce cas, la parole est donnée aux différentes parties lorsque a parlé, la partie B écoute et doit pouvoir paraphraser et vice-versa. Chacun présente sa version des faits. Si c’est flou, utiliser la méthode de la communication non violente. Il faut en outre prendre les notes.
- La phase d’éclaircissement du conflit : le questionnement
- La phase de recherche de solutions : ici il faut s’appuyer sur la demande de chacune des parties, les rassembler et passer au consensus.
- La convention écrite : elle est signée par toutes les parties à savoir : les parties en conflit, le médiateur. Cette convention écrite doit servir en cas de besoin.
Les qualités d’un médiateur
Un médiateur doit :
- Savoir écouter.
- Créer un climat de confiance. Il reste calme, confiant, optimiste et à l’écoute.
- Il fait preuve d’empathie, en s’efforçant de comprendre chacune des parties, leurs prises de position, leurs problèmes.
- Il est neutre et impartial.
- Il facilite la communication et suscite chez les parties une écoute réciproque par le respect des règles de communication.
- Il gère l’interaction entre les parties et peut faire face à des émotions intenses, à des attaques personnelles et à des stratégies de manipulation
- Il stimule une discussion productive des solutions envisagées en étudiant leur faisabilité au moyen de critères objectifs et en veillant à ce qu’elles rencontrent les besoins et attentes de chaque partie.
- Il veille à ce que les négociations restent actives et positives afin que les parties puissent en venir à un accord.
Échanges
Est-ce que le médiateur ne prend pas de décision ?
Il est cette tierce partie qui aide à ce que les parties en partie trouvent les solutions elles-mêmes. Les parties en conflit doivent proposer des solutions réalistes sachant que dans la médiation on perd toujours quelque chose.
Comment reconnaître un médiateur ?
Certains peuvent naître avec les qualités de médiateur. D’autres par contre font des études. Sur le profil du médiateur, il y a des formations en ligne. Mais la principale caractéristique dans sa neutralité et son impartialité.
Comment savoir qu’un médiateur n’a pas de parti pris ?
Lorsqu’un médiateur a un parti pris, cela se lit même dans la manière de diligenter le processus. Aussi on est libre de chercher un autre médiateur si l’on se rend compte qu’il n’est ni neutre ni impartial.
En ce qui concerne le module 2 les ayant droits à la succession, il a été présenté par M. Daniel ZOA, Juriste à la CDJP. Il a commencé par définir le terme succession. On parle de succession lorsqu’une personne est décédée. Au décès d’une personne, il faut toujours savoir qui fait quoi, qui a laissé quoi, pour qui ; ceci afin d’éviter des soulèvements.
Les ayant-droit :
- Descendants (enfants du défunt),
- Ascendants privilégiés (père et mère) et collatéraux privilégiés (frères et sœurs et descendants directs des frères et sœurs),
- Ascendants ordinaires (grands parents),
- Collatéraux ordinaires (oncles, tantes et cousins).
En l’absence de ces ordres, le conjoint survivant (la femme) vient à hériter. Toutefois, il convient de relever que la femme est usufruitière des biens laissés par son défunt mari.
A l’ouverture de la succession, il faut au préalable liquider la communauté qui a existé entre les époux. C’est sur la part du défunt que s’ouvre la succession.
Tous les enfants filles comme garçons ont droit au patrimoine laissé par le défunt. Si une femme vient en mariage avec des enfants non reconnus par le défunt, ces derniers attendront de décès de leur mère afin de bénéficier de l’héritage de leur mère.
Aussi existe-t-il des cas où un enfant ne peut succéder :
- Celui qui est condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt ;
- Celui qui a porté contre le défunt une accusation jugée de calomnieuse et susceptible d’entraîner la condamnation à mort ;
- Celui qui n’a pas dénoncé à la justice les meurtriers du défunt alors qu’ils les connaissaient.
Le testament est un acte juridique par lequel une personne décédée décide de la manière dont ses biens seront attribués et gérés après sa mort. On distingue certains types de testaments qui ont une valeur juridique qui leur est propre. Il s’agit notamment du :
- Testament notarié (ou testament authentique) : C’est celui que la personne qui veut organiser l’attribution de ses biens après son décès (le testateur) dicte à un ou deux notaires en présence de deux témoins.
- Testament mystique : il est rédigé par le testateur lui-même ou par une autre personne sous sa direction, et remis sous enveloppe fermée, cachetée et scellée à un notaire. Le notaire dans ce cas va rédiger un acte (acte de souscription) qui certifie qu’il a reçu l’enveloppe et son contenu comme testament. Il indique dans cet acte l’endroit où il a reçu le testament, la date et l’heure, la description du pli reçu…).
- Testament olographe : C’est celui qui est entièrement rédigé, daté et signé de la main du testateur.
- Testament verbal : c’est la forme de testament qui est le plus utilisé dans nos traditions. Il s’agit souvent de rassembler sa famille et de procéder à la répartition de ses biens. Souvent aussi, le testateur peut se confier à des personnes dignes de foi (épouse, amis intimes …) sur la manière de gérer sa succession.
Échanges
Est que le testament est attaquable ?
Le testament est attaquable dans le cas où il ne respecte pas les conditions de forme, lorsque la réserve héréditaire n’est pas respecté.
Dans quels cas la femme est usufruitière ?
Quelque soit le régime matrimonial, la femme contribue aux charges du ménage. Elle est usufruitière dans le cadre de la communauté des biens.
En principe, la liquidation du régime, dans le cadre de la séparation des biens, à la suite d'un décès ou d'un divorce ne pose aucun problème puisqu'il n'existe, par définition, aucun bien commun. Mais il peut arriver que des problèmes surgissent, surtout s’il y a eu des conventions entre les époux sur la gestion des biens propres de l’un ou de l’autre.
Est-ce que les enfants venus d’ailleurs peuvent hériter ?
Ces derniers peuvent recevoir des dons ou des legs.
Une personne mariée qui fait des enfants hors mariage. Quelle est la situation de ces enfants ?
Si les enfants ont été reconnus, ils viendront à hériter.
En ce qui concerne les techniques rédactionnelles, ce module a été développé par M. Christophe BOBIOKONO, Directeur de Publication du journal "Kalara". Il s’est agi d’un partage d’expérience sur certaines astuces permettant d’aborder les questions de succession.
A chaque fois, il est important de renforcer sa culture générale par rapport à l’orientation qui est donnée. Si l’on se retrouve dans un conflit, en quelques temps vous pouvez savoir ce qui se pose grâce aux connaissances et parce que vous avez les principes.
Quelques astuces
- Améliorer sa culture générale dans la matière (documentation) ;
- Connaître les principes de la matière ;
- Une bonne collecte de l’information et un bon traitement ;
- Savoir percevoir le cœur du problème.
Échange
Est ce que le journaliste n’est pas un médiateur ?
Nous sommes des médiateurs naturels. Dans le fond, c’est l’intérêt de la société qui prime. Aussi dans les articles, il faut protéger la famille (par exemple en ne divulguant pas leurs noms, où le lieu ou se sont produits les faits…)
Après le visionnage des deux reportages réalisés par DBS sur les activités réalisées par la Commission Diocésaine Justice et Paix de Yaoundé, M. Christophe BOBIOKONO a fait les remarques suivantes :
- On sort du reportage avec des points d’interrogation notamment sur la question des « financiers). Certains de ces points peuvent constituer des sujets de reportage.
L’atelier s’est achevé par la formulation des propositions et actions concrètes en vue de la prévention des fonciers et successoraux dans la sphère médiatique. On peut ainsi noter :
- Réalisation de reportages, micro productions, documentaires sur les conflits fonciers et successoraux ;
- Renforcement des capacités des journalistes, la société civile ainsi que les confessions religieuses ;
- Organisation des causeries éducatives dans les établissements scolaires et académiques ;
- Organisation des Awards sur les productions audiovisuelles relatives aux conflits fonciers et successoraux.
A la fin, la présidente de "Plumes d’Or" a adressé des remerciements à l’endroit de la Commission pour sa disponibilité ainsi qu’à ses consœurs pour leur présence. Elle les a par ailleurs exhorté à faire large diffusion afin que les autres prennent exemple sur elles. Aussi les propositions faites au cours de cet atelier constitueront la feuille de route de l’Association afin que les travaux de ce jour aient un impact.
En termes de résultats obtenus
- Les femmes des médias privés renforcent leurs capacités en termes de droit d’accès des femmes à la terre ;
- Elles sont outillées en matière de droit foncier et successoral ;
- Les femmes des médias privés font des propositions concrètes dans la cadre de la prévention et la gestion des conflits fonciers et successoraux.