Le 14 février 2021, sous l’initiative du Comité Paroissial Justice et Paix de Ngondimbélé et l’appui de la Commission Diocésaine Justice et Paix de Yaoundé a eu lieu un dialogue entre les chefs traditionnels du Groupement Embouni et leurs populations. Se dialogue qui s’est tenu à la Chefferie de Meboué (Ngondimbélé) a connu la participation de 07 chefs traditionnels de 3e degré dont 04 représentés par leurs notables ou secrétaires et 48 participants issus des villages (Ngondi Mbélé, Etoutoua, Mfou-Village, Koutou, Meboé, Ondoundou et Mbessi 1.)
Après l’exécution de l’hymne nationale, sa Majesté OBAMA Simon Pierre en sa qualité de chef de Ngondi Mbélé et au nom de ses confrères, chefs des villages du groupement Embouni, a souhaité la bienvenue à la CDJP et loué son initiative d’organiser un dialogue entre les populations et les chefs traditionnels de sa contrée. Pour Sa Majesté, cela contribue à redorer l’image et l’autorité des chefs traditionnels et aussi à les dynamiser dans le cadre du règlement des conflits.
Mme Françoise BINGAN (CDJP) a tout d’abord tenue à préciser aux participants les enjeux de la CDJP à travers la promotion des dialogues citoyens populations –élus ou représentants locaux. Notamment :
1 - Amener les populations de la zone couverte par l’Archidiocèse de Yaoundé, notamment celles du Mfoundi, de la Mefou-et-Afamba et de la Mefou-Akono :
- À s’intéresser à la gestion de la chose publique ;
- À s’impliquer dans le choix des dirigeants du pays sur la base des principes démocratiques et des projets de société qui garantissent le développement et le bien-être de tous ;
- À s’engager dans le suivi des activités des élus dans l’exercice de leurs fonctions ;
- À se former à la connaissance du rôle et attributions des élus, etc.
2 - Amener les élus et représentants locaux/nationaux :
- À se rapprocher des populations ;
- D’être à l’écoute des besoins et attentes des populations ;
- À rendre compte sur les actions et projets menés, etc.
Et dans le cadre spécifique du dialogue de Ngondi-Mbélé, il était essentiellement question de sensibiliser sur l’importance des échanges formels et réguliers entre les populations et leurs élus ou représentant locaux (Conseillers Municipaux, Maires, Chefs traditionnels, etc.) et également de sensibiliser les chefs à la connaissance et à la maitrise de leurs rôles et attributions et aussi de former les populations à la connaissance du rôle et attributions de leurs chefs traditionnels.
Quant aux modalités pratiques, le dialogue devrait tout simplement se dérouler sous la forme d’une causerie entre les chefs et leurs populations dans le but de connaitre mutuellement leurs besoins et préoccupations en vue de participer ensemble au développement de leur localité.
M. Daniel ZOA (CDJP) a ensuite présenté le rôle et missions de la CDJP partant du vœu du concile Vatican 2, de sa création par Mgr Jean ZOA le 12 janvier 1969.
L’entretien et l’échange s’est faite sous la modération de M. Daniel ZOA
L’importance du dialogue entre un chef du village et ses populations
Les participants ont retenu que le dialogue entre les populations et leur chef était nécessaire en ce sens qu’il permet d’une part aux populations de mieux connaitre qui sont leurs chefs et surtout ce qu’ils font comme travail au quotidien et d’autres part de permettre aux chefs de recueillir les attentes et préoccupation de leurs populations. Bref le dialogue entre les populations et leurs chefs constituent une plateforme pour les chefs et leurs populations de réfléchir ensemble sur les problèmes récurrents auxquels les villages font face et aussi en vue d’œuvrer collectivement au développement socio-économique et culturel de leurs localités.
Le rôle du chef traditionnel
Le chef traditionnel est celui qui est au sein d’une famille (village) ayant une autorité sur une communauté.
- Comment fait-on pour devenir chef
Tout pouvoir vient de Dieu. Il faut être issu de la lignée de chef. À la tête de la chefferie, la succession va du père à son descendant direct (fils du défunt chef). Ce successeur est choisi par son père avant sa mort. Mais il peut arriver que la chefferie aille dans une famille. Son autorité ne repose plus uniquement sur la parenté mais également sur le prestige, le sacré et une certaine coercition limitée. Il est à relever le chef de 3e degré est installé par le Sous-préfet et ceux de 2e et 1er degré par le Préfet.
- Le travail du chef
Les attributions du chef traditionnel figurent dans le décret n 77-245 du 15 juillet 1977 modifié et complété par le décret du 13 septembre 2013. On peut retenir quelques unes :
- Transmettre à la population les directives des autorités administratives, et d’en assurer l’exécution ;
- Concourir, sous la direction des autorités administratives compétentes, au maintien de l’ordre public et au développement économique, social et culturel de leur unité de commandement ;
- Recouvrer les impôts et taxes de l’Etat et des autres collectivités publiques, dans les conditions fixées par la réglementation.
- Indépendamment des tâches qui précèdent, les chefs traditionnels doivent accomplir toute autre mission qui peut leur être confiée par l’autorité administrative locale.
Les chefs traditionnels peuvent, conformément à la coutume et lorsque les lois et règlements n’en disposent pas autre procéder à des conciliations ou arbitrages entre leurs administrés.
Lecture a été faite des sanctions en cas de respect de l’autorité traditionnelle.
Il a été aussi question de donner les modalités de rémunération des chefs traditionnels en se axant sur le décret de 2013 (200 000fcfa pour les chefs de 1er degré, 100 000fcfa pour ceux de 2e degré et 50 000fcfa pour les chefs de 3e degré).
Au terme de l’exposé, M. Daniel ZOA a invité les populations à respecter les chefs et ces derniers devraient vivre en harmonie avec leurs populations. Lorsque l’impartialité du chef est remise en cause, celui-ci doit faire appel à d’autres chefs pour gérer voire régler le litige.
Les échanges ont porté sur :
- La légitimité des chefs : certains chefs désignés ne font pas toujours pas l’unanimité. Le sous-préfet ne peut pas venir installer un chef d’une manière quelconque. Il faille prouver que celui qui a été désigné satisfasse aux conditions (le village doit s’asseoir, la famille doit pourvoir déterminer quelle lignée le chef provient) ;
- La présentation des activités de la CDJPY : accueil, écoute, conseils, accompagnements des détenus et autres personnes pout tout type de problème ; le volet formation et animation (sensibilisation, animation sur diverses thématiques.
Le facilitateur a apprécié la chefferie d’Etoutoua qui est la mieux organisé dans le département de la Mefou et Afamba
Travaux de groupes et restitution
Attentes des jeunes | Attentes des femmes | Attentes des hommes | Attentes des chefs
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- Nous voulons des chefs justes - Lieu de distraction (stade) - Les jeunes veulent la finition du presbytère - Manque d’emploi - Manque de carte nationale d’identité - Manque d’information et présence de nos chefs
| - Un chef doit être droit dans ses dires ; - Il doit être soumis et aimer sa population ; - Il ne doit pas être partiel ; - Un chef qui blague dans les rues et qui insulte, qui fait des ivrogneries et qui n’est pas digne de lui-même se fait intriguer par la population ; - Un chef doit être accueillant et souriant ; - Un chef doit bien faire le choix de ses notables pour qu’ils soient tous de même avis lorsqu’il faut trancher une affaire ; - Un chef est chef partout même dans la rue ou dans n’importe quel village ; - Un chef doit attirer le développement de sa communauté pour le bien-être de sa population ; - Nous voulons des rencontres multiples pour se partager le savoir ; - Les femmes sont exposées sans carte d’identité.
| Nous, les adultes de la paroisse ecclésiastique de Ngondi Mbélé, attendons de nos chefs traditionnels : - Honnêteté, non corrompus ; - Ils doivent être à l’écoute de leur population ; - Etre plus proches de leurs administrés et avoir le sens du sacrifice vis-à-vis de leur population ; - Etre dynamique, prompt à répondre aux sollicitations et attentes de ses sujets ; - Informer ses populations sur d’éventuels projets de développement.
N.B : les adultes d’un commun accord ont été unanimes de ce qui a été dit plus haut. | Qu’est ce que nous les chefs nous attendons de nos populations - Les chefs de villages attendent que les populations redonnent le pouvoir, le respect et la dignité à leur chef ; - Les chefs attendent une étroite collaboration entre eux et leurs populations ; - Les chefs attendent une population disciplinée et ordonnée ; - Les chefs attendent une population dynamique dans l’exécution des projets de développement ; - Les chefs attendent une population animée, éveillée, mouvementée et beaucoup de créativité. Qu’est ce que kes chefs attendent de la Commission Justice et Paix Une franche collaboration : c’est-à-dire qu’on multiplie ces causeries (les programmer soit par mois ou par trimestre avec des thèmes ; Une représentativité lors de la gestion de certains de nos conflits ; Conseils – assistance et documentation. |
Au terme du passage du groupe des jeunes, certaines préoccupations ont été posées notamment sur l’absence des chefs dans leur communauté (certains vivent ailleurs et ne viennent au village qu’à certaines occasion. Sa Majesté OBAMA Simon Pierre relève qu’il se pose un problème de communication entre les chefs et leur population. Concernant la préoccupation sur l’obtention des cartes nationales d’identité, un participant a sollicité l’aide de la commission pour avoir une des pièces constitutives du dossier à savoir le certificat de nationalité qui constitue un goulot d’étranglement. Toutefois un autre participant soulève la question des actes de naissance où l’on a des tranches d’âge (13- 17 ans) qui n’ont pas d’actes de naissance.
En termes d’évaluation :
- Les jeunes : ils se sont exprimés en toute quiétude ;
- Les femmes : le dialogue a contribué à une ouverture d’esprit ;
- Les adultes : ils ont été édifiés par les enseignements et souhaitent que ce genre de concertation se multiplient (afin de ne plus avoir des soucis) ;
- Les chefs : ils ont adressé leurs remerciements à la Commission, certains ne savaient pas ce que le chef fait.
En termes de résultats :
- 07 chefs traditionnels ainsi que leurs représentants ont pris part au dialogue ;
- Les populations et les chefs sont sensibilisés sur l’importance des rencontres entre populations et représentants locaux (chefs traditionnels) ;
- Les populations connaissent les attributions des chefs traditionnels ;
- Les populations ont présenté leurs doléances auprès des chefs ;
- Les chefs sont outillés sur leur rôle, mission auprès des populations ;
- Ils ont fait part de leurs attentes à l’endroit des populations ;
- Les chefs traditionnels reçoivent les documents officiels portant sur l’organisation des chefferies traditionnelles au Cameroun (Décret N° 77/254 du 15 juillet 1977, Décret N° 2013/332 du 13 septembre 2013).
Comme effets et impacts :
- Un habitant originaire de Lembe Yezoum (diocèse d’Obala) a fait une demande d’animation dans son village d’origine ;
- Les chefs ont demandé des animations sur la responsabilité parentale, éducation des femmes dans leurs foyers, causerie éducative avec les femmes et les jeunes ;
- Le représentant du chef d’Etoutoua demande un membre de la CDJP comme assesseur du conseil.
En conclusion
- Le dialogue a permis de rehausser l’image des chefs ;
- Les populations et les chefs sont invités à collaborer pour le développement de leurs localités ;
- Que les chefs organisent des rencontres avec leurs populations ;
- Sollicitation de la CDJPY dans l’animation des thématiques (règlement des litiges avec un accent sur le droit l’éducation des femmes avant et au cours du mariage…….).