Journée Mondiale de la Paix du 1er Janvier 2023 : message du Saint-Père François revisité par les membres « Justice et Paix » de l’Archidiocèse de Yaoundé.
Les membres « Justice et Paix » de l’Archidiocèse de Yaoundé, réuni dans le cadre d’un atelier tenu le 28 janvier 2023 au siège de la Commission Diocésaine Justice et Paix de Yaoundé ont à l’occasion revisité le message de la 56e Journée Mondiale de la Paix célébrée le 1er janvier dernier au d’un un exposé animé par l’Abbé Pierre Alain NHYOMOG, Curé de la Paroisse d’ETILBIBEGUE et membre de la Commission Diocésaine Justice et Paix de Yaoundé.
L’intégralité de l’exposé de l’Abbé Pierre Alain NHYOMOG
Biens aimés de Dieu amis du Seigneur, loué soit Jésus-Christ ! Et à tous je vous souhaite une bonne et heureuse année 2023 ! Puisse le Seigneur vous accorder tout ce que désire votre cœur pour votre épanouissement intégral en cette nouvelle année !
Chers frères et sœurs, il y’a deux mois que nous nous sommes retrouvés dans ces locaux qui abritent le service diocésain de la commission justice et paix pour prier ensemble et osciller notre réflexion autour du thème : « se lever et aller vers l’autre ». Nous sortions ce jour-là nourris des délices que la théologie et même la philosophie nous avaient servis sur cette question de la nécessité de sortir de soit pour côtoyer l’altérité. Se faisant, nous nous sommes résolument mis à l’école de Marie, qui, en hâte, partit vers sa cousine Elisabeth (Lc.39). Aujourd’hui, nous poursuivons notre approfondissement des vertus chrétiennes et de la catéchèse existentielle si cher à notre Saint Père le Pape François pour prendre un temps d’arrêt afin de scruter de fond en comble son discours à l’occasion de la Journée Mondiale de la Paix du 1er Janvier 2023.
Dans son message pour la Journée Mondiale de la Paix, intitulé « Personne ne peut se sauver tout seul », le Pape François nous invite à « repartir après la Covid-19 pour tracer ensemble des sentiers de paix ».
Le Pape ouvre son discours par cette péricope de Saint Paul dans sa Première Lettre aux Thessaloniciens au chapitre 5, versets 1 à 2 où l’Apôtre, en substance invite ses auditeurs « à rester dans l’attente de la rencontre avec le Seigneur, les pieds et le cœur sur terre, capables de porter un regard attentif sur la réalité et les évènements de l’histoire ». Ainsi donc, quelques soient les évènements, si tragiques et dramatiques soient-ils (les maladies, les injustices, les abus de tout genre, le non-respect de la vie et de la personne humaine, la marginalisation…), « nous sommes tous appelés à garder le cœur ouvert à l’espérance, en faisant confiance à Dieu qui se rend présent, nous accompagne avec tendresse, nous soutient dans notre fatigue et, surtout, guide notre chemin ».
Il est vrai que la Covid -19 n’a pas été très fatale pour nous ici en Afrique en général et au Cameroun en particulier, toutefois, elle nous a plongés dans la nuit de la peur en modifiant le cours ordinaire de notre vie avec le fameux confinement et même la modification de la proximité, la suppression des embrassades et des salutations chaleureuses de contact physique qui, pourtant sont dans les bonnes mœurs des africains. Au-delà de tous ces dégâts, la Covid-19, le fait remarquer le Pape, a généré un grand malaise qui a fécondé l’isolement et moult restrictions de liberté dans les cœurs des familles et d’individus. En plus de cela, cette pandémie a porté atteinte à certains aspects sensibles de l’ordre social et économique, faisant ainsi ressortir des contradictions et des inégalités notoires où les faibles et les pauvres en sont les premiers vulnérables. Il faut reconnaître objectivement que dans de telles situations, les individus et la société progressent rarement, car vivant dans un sentiment de défaite été d’amertume qui fragilise à suffisance la paix en activant les conflits sociaux, les violences de toutes et des frustrations. « Après trois années, l’heure est venue de prendre le temps de nous interroger, d’apprendre, de grandir et de nous laisser transformer, tant individuellement que communautairement ». Car, dans une situation de crise, on en sort soit meilleur, soit pire, ainsi donc sommes-nous en droit de nous interroger avec le Pape au sortir de cette pandémie : Qu’avons-nous appris de cette crise ? Quels chemins nouveaux devons-nous emprunter pour nous défaire des chaînes de nos vieilles habitudes, pour être mieux préparés, pour oser la nouveauté ? Quels signes de vie et d’espérance pouvons-nous saisir pour aller de l’avant et essayer de rendre notre monde meilleur ?
Après avoir touché du doigt la fragilité qui fonde notre nature humaine, force est de constater que la grande leçon de vie que la Covid-19 a léguée à la conscience du fait que nous avons tous besoin les uns des autres, que notre plus grand trésor, et aussi le plus fragile, est la fraternité humaine fondée sur notre filiation divine commune, et que personne ne peut se sauver tout seul. Il est donc par conséquent urgent de rechercher et de promouvoir ensemble les valeurs universelles qui tracent le chemin de cette fraternité humaine. C’est cette conclusion du Pape qu’il faut se réapproprier pour refonder la solidarité africaine.
Selon le philosophe Alexandre Jollien, l’étymologie même du mot solidarité nous renseigne à suffisance. La solidarité c’est ce qui nous solides, ensembles. C’est la compréhension intime de l’interdépendance de tout être. On ne saurait vivre heureux seul, dans son coin, totalement retranché des autres. « Le bonheur ne saurait exister que partagé ». Il n’y donc pas de bonheur dans la solitude, le bonheur n’est bonheur que parce qu’il est partagé. « On ne peut se sauver tout seul », revient donc à « on ne peut pas vivre heureux tout seul ». Nous sommes des êtres de liens, nous cohabitons dans la même maison. Le partage est inscrit dans notre nature, au fond de notre être. Le Pape François dans Laudato Si, le rappelle par ailleurs lorsqu’il parle de la sauvegarde de la maison commune. La vie est tragique poursuit Alexandre Jollien. « On meurt, on souffre… On se coltine les maladies, les accidents, les tremblements de terre, sans parler de la solitude intrinsèque à notre condition. Dès lors, tendre la main, nous épauler, nous considérer non pas comme des concurrents mais comme des coéquipiers peuvent être un réel secours et alléger considérablement notre rapport au quotidien, aux autres, au monde ».
La vérité est qu’après tout, si nous vivons en société telle que l’affirme Alexandre Jollien, c’est que nous avons compris qu’ensemble nous sommes plus heureux, moins démunis, que seul. C’est d’ailleurs cela qu’Aristote dans l’Antiquité, c’est-à-dire plusieurs siècles avant notre ère avait perçu lorsqu’il affirmait dans son livre intitulé Politique que « tout homme est un animal politique. Un homme sans une vie sociale serait soit une bête, soit un dieu ». Cela signifie que l’homme vit mieux dans une polis, cette forme de la ville grecque. L’homme devient homme parmi les autres, en vivant dans une société régie par des lois et des coutumes. L’homme développe son potentiel et réalise sa fin naturelle dans un contexte social. Il s’agit de la « bonne vie ». Ce n’est pas une vie facile, mais une vie de vertu qui se traduit par le Souverain Bien que les grecs appellent eudaimonia souvent traduit comme le bonheur.
Chers frères et sœurs, cette invitation à la fraternité, à l’unité, à l’entraide, au souci de l’autre est le vouloir même de Dieu dans l’Economie du salut. « Qu’ils soient un » : Jn.17, 21, n’est-ce pas là le nœud de la grande prière sacerdotale de Jésus alors que l’heure s’approchait où il devait passer de ce monde à son Père ? Dans le Psaume 133, 1, le psalmiste tombant d’admiration s’écria : « Voici, oh ! Qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble ». Pour Saint Paul dans sa théologie du corps, il n’est pas possible de penser l’homme sans le Christ et par conséquent sans son prochain : « Ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres » : Rm. 12, 5. Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse maintenant et pour les siècles et des siècles.
Qu’avons-nous appris de cette crise ? Quels chemins nouveaux devons-nous emprunter pour nous défaire des chaînes de nos vieilles habitudes, pour être mieux préparés, pour oser la nouveauté ? Quels signes de vie et d’espérance pouvons-nous saisir pour aller de l’avant et essayer de rendre notre monde meilleur ?